Dossier bois : Le bois prend de la hauteur - littéralement
- Kim Cloutier

- 25 juil.
- 7 min de lecture
Comment le bois s’impose dans les projets publics de grande envergure.
Vous vous demandez si le bois peut vraiment rivaliser avec le béton pour des projets municipaux ou multilogements ? Vous craignez que ce choix ne compromette la sécurité ou la durabilité du bâtiment ?
Grâce à l’évolution des normes et à l’émergence de produits de bois d’ingénierie ultra-performants, le bois n’est plus une solution de niche.
Dans cet article, découvrez pourquoi de plus en plus de municipalités, promoteurs et institutions choisissent aujourd’hui le bois pour construire plus haut, plus vite — et plus vert.

Un matériau d’hier qui revient en force
Au Québec, le bois a longtemps façonné nos villes. Jusqu’au tournant du XXᵉ siècle, il était omniprésent dans les quartiers résidentiels comme dans les bâtiments publics. Structures à ossature légère, planchers en madriers massifs, revêtements en clin ou en planches verticales : le bois était partout, de la charpente à la finition extérieure. Mais des incendies dévastateurs — comme celui du quartier Saint-Roch en 1845 à Québec, qui a rasé des centaines de bâtiments — ont bouleversé cette réalité. Pour des raisons de sécurité, le bois a été peu à peu remplacé par la brique, le béton et l’acier, matériaux jugés plus résistants au feu.
Aujourd’hui, le vent tourne. Grâce aux avancées du bois d’ingénierie, à l’évolution des codes du bâtiment et à une volonté de construire plus durablement, le Québec redécouvre ce matériau identitaire avec une perspective nouvelle : bâtir en bois, c’est allier performance moderne et mémoire collective.
Un cadre réglementaire qui libère le potentiel du bois

Pendant longtemps, les projets en bois étaient limités à l’unifamilial, principalement en raison des normes de sécurité incendie, des limites structurelles perçues et du manque de reconnaissance dans les codes du bâtiment. Aujourd’hui, tout a changé.
Le Code national du bâtiment de 2015 autorise jusqu’à 6 étages en ossature légère.
Le Québec permet jusqu’à 12 étages en bois massif, sous conditions techniques.
La Politique d’intégration du bois dans la construction (2021), pour sa part, vise à faire du bois un matériau de référence dans les projets publics. Elle encourage les municipalités et institutions à préférer le bois, grâce à un accompagnement technique, un financement ciblé et des mesures d’encadrement assurant la qualité des projets.
Or, actuellement au Québec, seulement 35 % des mises en chantier dans le secteur industriel, commercial, institutionnel et multirésidentiel utilisent le matériau bois pour la structure. Pourtant, plus de 80 % des constructions non résidentielles pourraient être construites en bois en conformité avec les codes de construction en vigueur. (Cecobois, 2024).
Le bois d’aujourd’hui : haute technologie et performance
Contrairement au bois utilisé dans les constructions des années 1950, celui d’aujourd’hui est issu de procédés industriels de transformation avancés, offrant une précision, une résistance et une stabilité incomparables. Par exemples,

Le bois lamellé-croisé (CLT) :
panneaux massifs formés de planches superposées perpendiculairement, utilisé comme murs ou dalles structurelles.

Le LVL (Laminated Veneer Lumber) :
bois de placage contrecollé utilisé dans les linteaux, poutres et colonnes.

Les poutrelles en I :
combinent des membrures de LVL avec une âme en OSB pour des planchers légers mais très solides.

Le bois lamellé-collé (glulam) :
des lamelles de bois collées ensemble, idéal pour les longues portées et les grandes structures apparentes.
Ces technologies permettent non seulement de bâtir plus haut, mais aussi plus durablement, tout en répondant aux normes les plus strictes en matière de sécurité incendie, acoustique et sismique. Ce bois «reconstitué» est également moins sensible aux déformations, à l’humidité et aux fissurations, ce qui prolonge la durabilité des ouvrages.
Les avantages du bois en construction
Avantages environnementaux

Une ressource renouvelable locale
Le bois provient de forêts gérées durablement. Contrairement au béton ou à l’acier, il pousse, se régénère, et reste disponible localement.
Un puits de carbone actif
Chaque m³ de bois utilisé dans la construction stocke environ une tonne de CO₂, contribuant directement à la lutte contre les changements climatiques.
Une énergie grise minimale
Sa transformation demande peu d’énergie, et son transport est souvent plus court et léger que celui des matériaux lourds ou importés.
Moins de pollution à toutes les étapes
Le bois génère peu de gaz à effet de serre, et son impact sur l’air, l’eau et les sols est beaucoup plus faible que celui des matériaux traditionnels.
Un cycle de vie avantageux
L’analyse du cycle de vie (ACV) du bois montre un bilan environnemental parmi les plus bas, du chantier à la fin de vie.
Compatible avec les certifications écologiques
Le bois facilite l’atteinte de standards comme LEED ou PassivHouse, grâce à ses performances durables mesurables.
Avantages techniques
Confort thermique naturel
Avec une conductivité thermique d’environ 0,09 W/m·°C, le bois est 500 fois plus isolant que l’acier, 10 fois plus que le béton. Il agit aussi comme régulateur thermique, en contribuant à une température intérieure stable.

Résistance et sécurité validée
Le bois d’ingénierie offre une résistance mécanique remarquable, tant en compression qu’en traction, particulièrement parallèle au fil. En cas d’incendie, il forme une couche carbonisée qui ralentit la combustion (~0,65 mm/min) et protège la structure interne. Ce comportement est reconnu par les codes du bâtiment — même pour les bâtiments de grande hauteur.
Fiabilité et stabilité dans le temps
Séchés et calibrés en usine, les bois d’ingénierie affichent une stabilité dimensionnelle exceptionnelle, limitant fissures, gonflements ou déformations.
Avantages constructifs
Un matériau léger et maniable
Le bois est beaucoup plus léger que le béton ou l’acier, ce qui réduit la charge sur les fondations, facilite le transport et accélère les travaux sur chantier.

Une préfabrication qui change tout
Fabriqués en atelier, les éléments en bois arrivent prêts à assembler. Résultat : moins de délais, moins de coûts, plus de précision, un chantier plus propre et mieux contrôlé.
Une compatibilité avec les systèmes hybrides
Le bois s’intègre parfaitement dans des structures mixtes. Combiné au béton ou à l’acier, il permet de tirer parti des avantages de chaque matériau.
Une flexibilité architecturale remarquable
Avec le bois, tout est possible : arches, formes courbes, grandes portées, constructions sur mesure. Il s’adapte à des visions architecturales audacieuses.
Des économies concrètes, de la structure à la finition
Bien qu’un peu plus coûteux à l’achat, le bois permet souvent des économies globales grâce à sa rapidité d’installation, la légèreté de ses structures qui réduit les fondations, son pouvoir isolant naturel et la possibilité de laisser la structure apparente, limitant ainsi les coûts de finition. En ossature légère, il s’agit même de l’option la plus économique sur le marché.
Avantages esthétiques et culturels

Une ambiance naturellement apaisante
Le bois crée des espaces chaleureux, humains et réconfortants, loin de la froideur des matériaux industriels.
Un matériau vivant et sensoriel
Ses textures, reflets, odeurs et couleurs évoluent avec la lumière et le temps, créant une expérience unique pour les usagers.
Une esthétique qui met en valeur la structure
En finition comme en structure apparente, les poutres, poteaux et lambris apportent un cachet visuel distinctif et noble.
Un lien fort avec l’identité québécoise
Choisir le bois, c’est valoriser les ressources locales, les artisans et notre savoir-faire régional. C’est faire entrer l’architecture dans la culture.
Exemple de cas : l’École Fernand-Séguin
Ce projet du centre de service scolaire de Montréal, conçu avec une ossature en bois et des revêtements intérieurs en panneaux de CLT, a utilisé l’outil Gestimat pour orienter ses choix. Le résultat ? Une réduction de 50 % de l’empreinte carbone globale, sans compromis sur les performances acoustiques ou de sécurité incendie. La préfabrication a aussi permis de réduire les délais de chantier et de minimiser l’impact sur le voisinage, tout en limitant les perturbations des activités scolaires et en permettant aux élèves d’intégrer les lieux plus rapidement.
L'outil Gestimat : une aide décisionnelle simple Accessible gratuitement via ce lien, Gestimat permet de comparer l’empreinte carbone de différents scénarios constructifs selon les dimensions et les matériaux choisis. Il suffit d’entrer les données de surface et le type de structure pour obtenir des données chiffrées claires.




Des exemples inspirants au Québec et ailleurs
Hôtel de ville de La Pêche
Québec - BGLA Architecture
Structure apparente en bois massif, symbole de durabilité et d’intégration locale. (Projet Passive House)

Lab-École
Saguenay - BGLA Architecture + Appareil Architecture + Agence Spatiale
Conçu pour favoriser l’apprentissage et le bien-être grâce à une architecture en bois chaleureuse et performante.

Stade de soccer du FC Montréal
Montréal - Saucier+Perrotte + HCMA Architects
Structure bois à grande portée, démontrant la robustesse du matériau pour les installations sportives.

Projet Origine
Québec - Yvan Blouin Architecte
Immeuble résidentiel de 12 étages en structure hybride bois-béton, démontrant le potentiel du bois massif dans l’habitation collective urbaine.

Brock Commons Tallwood House
Vancouver - Acton Ostry Architects + Hermann Kaufmann Architekten
Résidence étudiante de 18 étages, dont 17 en bois massif (CLT et glulam), qui fut la plus haute structure bois au monde à son inauguration. Ce projet pionnier a mené à une évolution du code du bâtiment en Colombie-Britannique, permettant désormais les constructions bois jusqu’à 12 étages.

Conclusion — Le bois comme levier stratégique : êtes-vous prêt ?
Le bois n’est plus cantonné aux chalets ou aux maisons de banlieue. Il devient un vecteur d’innovation pour les villes, un outil de décarbonation bâti sur une ressource locale, accessible et renouvelable. Il est devenu un pilier de l’architecture institutionnelle et municipale au Québec et ailleurs. Pourquoi ?
Parce qu’il est performant.
Parce qu’il est durable.
Parce qu’il est québécois.
Maintenant que vous savez ce que permet le bois moderne, pourquoi ne pas envisager votre prochain centre communautaire, école ou immeuble à logements collectifs avec ce matériau innovant ?
Envie d’en savoir plus ?
Pour tout comprendre sur l’utilisation du bois dans les constructions de plus de trois étages — normes, conception, exemples municipaux — consultez le Guide sur les bâtiments municipaux en bois de Cecobois (février 2019), un document complet et richement illustré
Qu’il s’agisse d’une première réflexion ou d’un projet bien avancé, il existe des solutions simples pour clarifier vos choix et mesurer les retombées positives du bois dans votre démarche. Faites le premier pas — et laissez ce matériau d’avenir révéler tout son potentiel dans votre projet.




